Movember est une campagne d’un mois qui se déroule chaque année partout dans le monde pendant tout le mois de novembre afin de sensibiliser la population à la santé des hommes, en mettant plus particulièrement l’accent sur le cancer de la prostate et des testicules, la santé mentale et la prévention du suicide. Au fil des ans, Movember est devenu un mouvement mondial dont l’objectif est d’encourager les hommes à porter une plus grande attention à leur santé et à obtenir l’aide dont ils ont besoin, dans l’espoir de réduire le nombre de décès prématurés chez les hommes et d’améliorer leur bien-être en général.
L’Association canadienne des employés professionnels (ACEP) s’est entretenue avec le directeur pour le Canada de Movember, Todd Minerson, qui a gentiment accepté notre invitation. Il nous a parlé du mouvement et de ses différentes campagnes, et a partagé avec nous plus d’information sur les problèmes de santé auxquels sont particulièrement confrontés les hommes.
ACEP : Bienvenue Todd et merci de prendre le temps de répondre à nos questions. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur Movember et ses objectifs?
Todd : Movember a été créé en Australie en 2003 lorsqu’un groupe d’amis s’est lancé le défi de se faire pousser la moustache pendant tout un mois pour soutenir la recherche sur le cancer de la prostate. Leur initiative connaît alors un tel succès qu’ils décident de lancer Movember l’année suivante. Nous orchestrons maintenant des campagnes dans plus de 20 pays dans le monde. À l’origine, le mouvement visait la recherche sur le cancer de la prostate, mais depuis, notre mandat a évolué. Nous nous engageons maintenant à changer le visage de la santé des hommes et mettons l’accent sur trois éléments précis : le cancer de la prostate, le cancer des testicules, la santé mentale et la prévention du suicide chez les hommes.
Vous avez mentionné plus tôt que le cancer de la prostate était un de vos principaux objectifs. Pouvez-vous nous en dire un peu plus?
En effet, 1 Canadien sur 9 recevra un diagnostic de cancer de la prostate. Plus de 4 000 hommes canadiens succombent chaque année à cette maladie. Ça, c’est la mauvaise nouvelle. La bonne, c’est que lorsque ce cancer est rapidement détecté, les chances de survie atteignent 98 %. Une fois que le cancer s’étend au-delà de la prostate, les chances de survie chutent à 26 %. Nous avons réalisé des progrès considérables et la recherche que nous finançons vise à créer de meilleurs outils de diagnostic, à atténuer les effets secondaires des traitements et à promouvoir des approches plus personnalisées. Notre projet sur le cancer de la prostate True North est une initiative mondiale qui aide les survivants de ce cancer. Avec un taux de survie de 98 % après une détection précoce, nous espérons venir en aide à de plus en plus de survivants!
Et qu’en est-il du cancer testiculaire?
Lorsque j’ai lancé Movember, je pensais que le cancer testiculaire était une maladie de « vieillard ». Mais j’avais complètement tort! Il s’agit de la forme de cancer la plus fréquente chez les hommes âgés de moins de 39 ans. Comme pour le cancer de la prostate, les taux de survie sont très élevés, mais il faut procéder à une détection précoce. La sensibilisation et l’auto-examen ont permis de réaliser d’importants progrès dans le cas du cancer du sein, mais il reste encore beaucoup à faire du côté du cancer testiculaire. N’hésitez pas : si quelque chose vous semble anormal, consultez immédiatement votre médecin!
Pouvez-vous nous parler de la campagne « Homme de plus de mots » de Movember, du message que vous souhaitez véhiculer et de l’objectif que vous souhaitez atteindre?
Cet automne, pour la Journée mondiale de prévention du suicide, nous avons lancé notre campagne Man of More Words – ou Homme de plus de mots en français. En effet, 3 suicides sur 4 sont commis par des hommes. En quoi le fait d’être un homme influence-t-il cette statistique préoccupante? Nous pensons qu’il existe un lien avec les stéréotypes et les rôles rigides qui sont imposés aux hommes aujourd’hui. Sois fort, ça va passer. Les hommes sont souvent incapables de demander de l’aide, ou réticents à le faire.
Leurs mécanismes de défense pour faire face à un traumatisme ou aux difficultés de la vie ne sont pas toujours efficaces. Les hommes ressentent plus souvent de la honte en ce qui a trait aux problèmes de santé mentale ou au bien-être en général. Dans un premier temps, nous tentons de faire tomber les obstacles en parlant de santé mentale. Je pense que la campagne Homme de plus de mots interpelle la plupart des hommes. La parole est la première étape pour libérer les hommes et les aider.
En fait, le Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH) rapporte que plus de 75 % des décès par suicide au Canada sont attribuables aux hommes. Selon vous, qu’est-ce qui explique ce phénomène?
Les chercheurs tentent toujours de trouver les motifs qui se cachent derrière ces statistiques. Mais on constate également que chez certaines catégories d’hommes, ces taux sont encore plus élevés. Par exemple, les vétérans et les premiers répondants accusent des taux de suicide beaucoup plus élevés que ceux de la population canadienne, essentiellement chez les hommes. En 2020, Movember lancera un appel de propositions pour soutenir des initiatives axées sur cet enjeu.
En outre, nous savons que les taux de suicide chez les Autochtones sont considérablement plus élevés. Notre responsable mondial du dossier autochtone est ici, au Canada, où nous finançons des programmes adaptés à la culture et au territoire qui ont été développés de concert avec les communautés autochtones. Récemment, nous avons également collaboré avec Ty Smith, un survivant de l’accident qui a décimé l’équipe des Broncos de Humboldt, sur l’importance de parler et de demander de l’aide. Voilà quelques unes des façons dont nous nous attaquons à ce problème.
Des statistiques canadiennes révèlent qu’en 2017, les hommes représentaient 71 % des décès liés à la consommation d’opioïdes au Canada. Croyez-vous que le gouvernement fédéral en fait suffisamment pour freiner ce fléau? Sinon, que devrait faire le gouvernement fédéral?
La crise des opioïdes est très complexe et ne pourra sans doute pas être réglée par un seul ordre de gouvernement. Nous croyons que les politiques doivent refléter les approches reposant sur des données probantes, notamment en ce qui a trait à la réduction des méfaits et aux causes profondes des traumatismes et des mauvaises expériences pendant l’enfance qui peuvent mener à la dépendance.
Faits et chiffres sur la santé des hommes
Remerciements : Merci à Michael Pedersen, membre du groupe EC, pour son travail de recherche approfondi et son soutien. Michael a également été l’un des premiers champions de cette campagne de sensibilisation.
- 1 homme sur 7 développera un cancer de la prostate au cours de leur vie.
- Environ 1 homme ou garçon sur 250 recevra un diagnostic de cancer testiculaire pendant sa vie.
- Les hommes canadiens sont 70 % plus susceptibles que les femmes de succomber à une maladie cardiaque.
- L’alcoolisme est l’un des plus grands problèmes de santé des hommes aujourd’hui. En 2016, Statistique Canada a établi que 34,4 % des hommes âgés de 18 à 34 ans consommaient de l’alcool de façon abusive.
- Environ trois quarts des décès liés à la consommation d’opioïdes au Canada ont eu lieu chez les hommes.
- Les hommes canadiens n’ont toujours pas la même espérance de vie que les femmes, mais l’écart se resserre. Il y a 30 ans, cette différence était de 7 ans, maintenant elle se rapproche de 4 ans. Cette amélioration est grandement attribuable à la chute des taux de tabagisme.
Autres statistiques à surveiller
- Au Canada, les hommes sont moins éduqués que les femmes. Proportion de titulaires d’un diplôme d’études postsecondaires, par sexe : hommes 48,4 %, femmes 51,6 %
- Au Canada, les hommes sont sous-représentés dans les établissements d’enseignement postsecondaire. Proportion d’étudiants de niveau postsecondaire, par sexe : hommes 43,8 %, femmes 56,2 %
- Au Canada, les hommes suivant des programmes de formation postsecondaires sont surtout sous-représentés en éducation (23 %), en sciences sociales et du comportement, et droit (30,9 %) et en sciences de la santé et domaines connexes (25,9 %). Les hommes ne sont majoritaires qu’en mathématiques, informatique et sciences de l’information (73 %) et en architecture, génie et technologies connexes (79,5 %).
- 97 % des personnes décédées en milieu de travail entre 1993 et 2005 étaient des hommes.
- Les hommes forment le plus grand groupe de personnes en situation d’itinérance au Canada. Les hommes adultes entre 25 et 55 ans représentent près de la moitié (47,5 %) des personnes en situation d’itinérance au Canada. Alors que les hommes représentent 60 % des jeunes dans les refuges pour itinérants, ils représentent près de 80 % des adultes de plus de 55 ans.
Changements sociaux positifs
- Les hommes canadiens participent davantage aux travaux domestiques, alors que les femmes canadiennes sont plus actives sur le marché du travail. De 1986 à 2015, la part du travail domestique effectué par les hommes a augmenté de 25 % à 39 %. Pendant la même période, la part de travail rémunéré effectué par des femmes a augmenté de 29 % à 38 %. Les hommes exécutent 80 % des travaux extérieurs et rénovations, et participent à 35 % à la garde des enfants et à 35 % à la préparation des repas.
- Les pères monoparentaux canadiens réalisent des progrès lents mais constants vers l’égalité en matière de droits de garde des enfants. D’avant 2006 à 2014-2015, la proportion d’ordonnances sur consentement en matière de garde en faveur des pères ou de garde partagée a augmenté de 22 % à 35 %.
*Veuillez noter que certaines de ces références sont unilingue.