Lisez la déclaration officielle de l’ACEP.
Le mardi 16 avril, le gouvernement libéral a dévoilé le budget fédéral de 2024 – son huitième depuis son arrivée au pouvoir en 2015 – qui prévoit plusieurs propositions visant à améliorer la vie des Canadiennes et des Canadiens dans un contexte conjoncturel difficile (inflation élevée, crise du logement, etc.).
Le budget de 2024 prévoit quelques mesures clés qui touchent directement ou indirectement les membres de l’ACEP, comme l’intelligence artificielle, la réduction des dépenses, les langues officielles et la poursuite du financement en vue de régler les problèmes de paye.
Mais les annonces qui ont le plus retenu l’attention de l’ACEP sont la suppression de 5 000 postes du secteur public par attrition et la hausse du budget du Bureau de la traduction affecté aux interprètes et aux traductrices et traducteurs.
Voici quelques-unes des principales propositions budgétaires présentant un intérêt pour les membres de l’ACEP :
1. Renforcement de l’avantage du Canada en matière d’intelligence artificielle (IA)
Pour demeurer concurrentiel dans ce domaine en pleine croissance, le Canada cherche à renforcer et à protéger son avantage en matière d’IA. Depuis 2017, le gouvernement a investi plus de 2 milliards de dollars dans l’IA au Canada. Dans son budget de 2024, il prévoit des fonds pour le « Programme de solutions pour la main-d’œuvre sectorielle » visant à soutenir les travailleuses et travailleurs qui pourraient être touchés par l’arrivée de l’IA. Ce programme leur offrira une formation pour l’acquisition de nouvelles compétences dans les secteurs et les communautés potentiellement touchés. Le budget prévoit également des fonds pour lancer le « Fonds d’accès à une puissance de calcul pour l’IA » et la « Stratégie du Canada sur une puissance de calcul souveraine pour l’IA », ainsi que les ressources dont le commissariat à l’IA et aux données a besoin pour commencer à appliquer la Loi sur l’intelligence artificielle et les données proposée.
Le gouvernement fédéral a également montré des signes d’une plus grande intégration de l’IA afin de réduire les coûts opérationnels et d’augmenter la productivité, de sorte que les mesures accordées aux Canadiennes et Canadiens pour la transition sont également nécessaires pour le personnel du gouvernement fédéral. Compte tenu de la débâcle de Phénix, l’ACEP demeure préoccupée par la qualité et la fiabilité des futurs programmes et outils d’IA utilisés au sein du gouvernement fédéral.
L’IA pourrait avoir de très graves répercussions. C’est pourquoi, au début de l’année, l’ACEP a formulé des recommandations à l’intention du Comité permanent de l’industrie et de la technologie de la Chambre des communes qui étudie la première loi canadienne portant sur l’intelligence artificielle.
2. Dépenses publiques responsables
Dans le budget de 2023 et l’énoncé économique de l’automne, le gouvernement avait annoncé des économies totalisant 15,8 milliards de dollars sur 5 ans et de 4,8 milliards de dollars par année par la suite. Au cours de la dernière année, il a recentré les dépenses liées aux déplacements et à la consultation.
Le budget de 2024 annonce la deuxième phase des mesures d’austérité qui exigent des organisations de la fonction publique qu’elles couvrent l’augmentation de leurs coûts de fonctionnement au moyen de leurs propres ressources et d’une diminution anticipée de leurs effectifs sur 4 ans, à compter du 1er avril 2025. Au cours de cette période, selon les taux historiques d’attrition naturelle, le gouvernement s’attend à ce que la taille de secteur public diminue d’environ 5 000 postes à temps plein par rapport à une taille d’environ 368 000 au 31 mars 2024.
L’ACEP est préoccupée par cette proposition de réduire l’appareil gouvernemental, même par attrition. Cette perte d’emplois risque d’avoir des conséquences négatives sur les services offerts à la population canadienne, puisqu’on obligera le personnel du secteur public à en « faire plus avec moins ». Alors que les ministères cherchent à réduire leurs dépenses, nous craignons que les membres ne soient confronté·es à une augmentation de leur charge de travail et à des coupes dans la formation et d’autres services importants.
3. Protection des droits en matière de langues officielles
Le budget de 2024 propose de verser 26 millions de dollars sur 5 ans au ministère du Patrimoine canadien, au Secrétariat du Conseil du Trésor et au Commissariat aux langues officielles afin de soutenir la mise en œuvre de la Loi visant l’égalité réelle entre les langues officielles du Canada.
Les recommandations faites par l’ACEP au comité parlementaire chargé d’étudier la loi ont été incluses dans le rapport au Parlement de ce comité et adoptées.
4. Interprétation et traduction
Le budget prévoit financer le Bureau de la traduction de Services publics et Approvisionnement Canada à hauteur de 31,9 millions de dollars sur 5 ans à compter de 2024-2025 et de 3 millions de dollars par année afin d’accroître la capacité de traduction et d’interprétation au Parlement et de respecter les exigences de la Loi sur les langues officielles du Canada.
Un montant de 1,1 million de dollars sur 5 ans à compter de 2024-2025 sera également consacré à la formation de la prochaine génération d’interprètes de langues officielles, et un financement annuel permanent de 200 000 dollars sera octroyé à Services publics et Approvisionnements Canada pour la mise en place d’un programme de bourses d’études.
L’ACEP se réjouit de la hausse du financement accordé au Bureau de la traduction. Nous espérons que les membres de l’ACEP disposeront ainsi des ressources nécessaires pour pouvoir accomplir leur travail efficacement, ce que le syndicat demandait au gouvernement lors de ses nombreuses comparutions devant des comités et réunions avec des représentant·es élu·es.
Cependant, l’ACEP n’est pas convaincue que ce financement soit suffisant pour régler tous les problèmes auxquels le Bureau de la traduction est confronté. L’utilisation croissante de l’IA pourrait avoir des conséquences catastrophiques sur les spécialistes des langues et doit être traitée de manière proactive. Le Bureau de la traduction peine toujours à gérer les risques en matière de santé et de sécurité auxquels les interprètes sont exposé·es dans l’exercice de leurs fonctions, qui peuvent causer la perte de l’ouïe, entre autres conséquences graves, et dissuader la prochaine génération d’interprètes de se joindre au secteur public fédéral à un moment où le nombre d’interprètes qualifié·es diminue rapidement.
5. Système de paye Phénix
Le budget propose d’octroyer des fonds à Services publics et Approvisionnements Canada et au Secrétariat du Conseil du Trésor afin d’améliorer les systèmes de paye et de ressources humaines de la fonction publique et de poursuivre la recherche d’une solution potentielle en matière de système de paye de la prochaine génération.
Même si le nombre de problèmes causés par Phénix a légèrement diminué, l’ACEP continue de recenser des centaines de cas liés à Phénix. La poursuite de ce financement était attendue, mais aucune somme d’argent ne suffira jamais à compenser l’étendue des préjudices causés aux milliers d’employées et employés fédéraux qui ont été surpayés, sous-payés ou qui n’ont pas reçu de paye du tout, et qui doivent consacrer des centaines d’heures à se battre avec le gouvernement pour réparer ce gâchis historique.
Le budget ne prévoit aucun engagement ni aucun échéancier clair pour régler les problèmes, ni aucun engagement pour dédommager les personnes qui continuent d’éprouver des problèmes de paye quotidiennement.
6. Conversion de bureaux fédéraux sous-utilisés en logements
Le budget propose d’affecter 1,1 milliard de dollars sur 10 ans à Services publics et Approvisionnement Canada pour réduire de 50 % son portefeuille de bureaux. Ce financement permettra d’accélérer la conclusion des baux et l’aliénation de biens fédéraux sous-utilisés et de régler le problème de l’entretien différé.
C’est une mesure encourageante, mais de nombreux autres immeubles de bureaux pourraient être convertis en logements partout au pays si le gouvernement faisait preuve de plus de souplesse en matière de télétravail pour les personnes qui peuvent effectuer leurs tâches à distance. Le gouvernement se retrouve aujourd’hui assis sur des propriétés coûteuses, qui pâtissent de son ambivalence déroutante à l’égard de cette question, privant ainsi les Canadiennes et les Canadiens de nouvelles options de logement dans des emplacements de choix, et de l’accès possible à des propriétés à l’extérieur des centres-villes coûteux s’ils sont en mesure de télétravailler.
7. Modernisation de la Loi sur l’équité en matière d’emploi
Dans son budget de 2024, le gouvernement annonce son intention de proposer des modifications législatives visant à moderniser la Loi sur l’équité en matière d’emploi, y compris en élargissant les groupes visés par l’équité en matière d’emploi. Cette décision fait suite à la présentation des recommandations du groupe de travail sur la modernisation du cadre d’équité en matière d’emploi.
L’ACEP a contribué de façon substantielle au processus d’examen et milité pour l’élargissement des groupes d’équité, tant dans les recommandations qu’elle a soumises que lors de sa comparution devant le groupe de travail.
8. Plan d’action du Canada pour lutter contre la haine
Afin de contrer la montée de l’islamophobie, le gouvernement propose d’allouer 7,3 millions de dollars sur 6 ans, dont 1,1 million de dollars en permanence, au ministère du Patrimoine canadien pour appuyer le représentant spécial pour la lutte contre l’islamophobie.
Afin de contrer la montée de l’antisémitisme, le gouvernement propose d’allouer 7,3 millions de dollars sur 6 ans, dont 1,1 million de dollars en permanence, au ministère du Patrimoine canadien pour appuyer l’envoyé spécial pour la préservation de la mémoire de l’Holocauste et la lutte contre l’antisémitisme.
Le budget de 2024 propose également la création d’un nouveau programme national de commémoration de l’Holocauste, doté de 5 millions de dollars sur 5 ans et de 2 millions de dollars en continu pour le ministère du Patrimoine canadien pour appuyer les initiatives visant à préserver la mémoire de l’Holocauste et à améliorer la compréhension, la sensibilisation et les attitudes de la population canadienne à l’égard de l’Holocauste et de l’antisémitisme.
L’affectation de fonds à la lutte contre la haine envers ces groupes démontre que le problème est reconnu, mais il reste à voir si elle permettra de régler le problème de la haine sur les lieux de travail du gouvernement fédéral, car les membres de l’ACEP signalent une augmentation des incidents islamophobes et antisémites.
9. Soutien à la santé mentale des communautés noires au Canada
Le budget 2024 octroie 4 millions de dollars sur 2 ans à l’Agence de la santé publique du Canada pour qu’elle continue d’appuyer des initiatives du Fonds pour la santé mentale des communautés noires qui visent à accroître l’équité en matière de santé, et à régler les questions entourant la santé mentale et ses déterminants pour les communautés noires.
C’est une question importante et délicate qui mérite également une attention particulière sur les lieux de travail du gouvernement fédéral. Il reste à voir si ces fonds aideront les employées et employés noirs du gouvernement fédéral, et comment le feront-ils.
10. Transparence des régimes de pension
Le gouvernement propose de modifier la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension afin d’obliger le Bureau du surintendant des institutions financières de publier des renseignements sur les placements des grands régimes de pension sous réglementation fédérale et de modifier la Loi sur les régimes de pension agréés collectifs afin de s’assurer que toutes les participantes et tous les participants d’un régime de pension agréé collectif reçoivent des renseignements semblables sur le régime. Toute mesure visant à améliorer la transparence dans ce domaine est un pas dans la bonne direction.
Conclusion
Le recours à la restriction financière et à l’austérité ne doit pas être la seule voie à suivre. Nous encourageons les membres à lire l’article Alternative pour le budget de 2024 du gouvernement fédéral (en anglais), préparé par le Centre canadien de politiques alternatives l’été dernier, pour voir comment un rééquilibrage des priorités peut aider à élargir le système de soins de santé, à réduire les coûts de garde d’enfants, à élargir le soutien social aux personnes âgées, aux jeunes, et aux communautés autochtones, et à sortir davantage de personnes de la pauvreté sans avoir recours à des mesures d’austérité.
Nous savons qu’il est essentiel que notre syndicat, dirigé par ses membres, soit fort, engagé et donc capable de s’opposer efficacement aux coupes ou aux attaques actuelles et futures contre les travailleuses et travailleurs. Nous encourageons les membres à s’impliquer dans leurs sections locales et dans les campagnes au cours des prochains mois pour que les gouvernements y pensent à deux fois avant d’envisager des coupes dans les effectifs du secteur public visant à faire des économies.