Mercredi soir, le Comité sénatorial permanent des finances nationales a reçu les témoignages de l’ACEP et d’autres syndicats de la fonction publique au sujet de ce que le système de paye Phénix a fait vivre aux fonctionnaires. Encouragés par le vérificateur général, les membres du Comité ont réalisé leur propre étude sur le système Phénix.
Il y a deux ans, un nombre ahurissant de fonctionnaires ont commencé à constater des manques ou d’autres erreurs de calcul à leur paye – deux années de peur, d’appréhension et d’incertitude », a déclaré le président national de l’ACEP, Greg Phillips. « Et même pour ceux assez chanceux pour échapper à tout problème de rémunération, l’ampleur du problème a fait en sorte que, pendant deux ans, ils ont craint de devenir les prochaines victimes du système Phénix.
Pendant son témoignage, M. Phillips a raconté l’histoire de certains de nos membres. Il a parlé d’un fonctionnaire qui, de retour au travail à la suite d’un accident, recevait sporadiquement sa paye. Pendant des mois, ce membre a traversé des périodes de paye entières sans salaire, et a dû composer avec les tentatives du système Phénix de recouvrer des paiements en trop. Comment les membres sont-ils censés bien s’en remettre, tout en gérant le stress supplémentaire que leur a fait porter le système Phénix?
Un autre membre a vécu un véritable cauchemar pendant un moment qui aurait dû compter parmi les plus marquants de sa vie, soit la naissance de son enfant. Ce membre n’a reçu les documents pertinents pour son congé parental que cinq mois après avoir repris le travail. Pendant qu’il tentait d’obtenir une avance de salaire en cas d’urgence, on lui demandait de rembourser des paiements en trop. Il a passé les quinze premiers mois de la vie de son bébé à essayer de mettre de l’ordre dans le bourbier financier qui en a résulté.
Quant à eux, les sénateurs étaient tout autant consternés par les difficultés que nos membres ont eues à subir.
Nous sommes – du moins je suis plus que déçu », de dire le sénateur Douglas Black.
« Je trouve ça choquant, décevant et embarrassant. On ne s’attend pas à ça d’un pays industrialisé. Vous avez un allié ici, puisqu’à mon sens, c’est rageant et insultant. »
L’ACEP, l’Alliance de la fonction publique du Canada et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada en ont profité pour formuler une série de recommandations qui visent, à tout le moins, à atténuer certains des problèmes qui touchent les fonctionnaires.
L’ACEP a recommandé que l’employeur cesse de recouvrer des paiements en trop auprès des membres qui essaient également de régler des moins-payés. Parce que le système Phénix est programmé pour recouvrer automatiquement les fonds avancés à même les premiers fonds disponibles, bon nombre de nos membres ont vu leurs chèques de paye s’évaporer immédiatement après avoir reçu une avance de salaire en cas d’urgence.
Compte tenu que la saison des impôts approche, l’ACEP a aussi recommandé de reporter la date de production des déclarations de revenus pour les fonctionnaires qui vivent des problèmes de rémunération.
Le président national a aussi signalé les vastes conséquences du système Phénix. Les fonctionnaires ont réduit leurs dons de bienfaisance, et les sommes amassées à l’issue de la Campagne de charité en milieu de travail du gouvernement du Canada diminuent depuis 2016.
De même, l’Association a soutenu que, lorsque les fonctionnaires fédéraux ne sont pas payés, ou ne reçoivent pas leur juste salaire, l’économie en général et les économies locales peuvent en être ébranlées. Ces fonctionnaires ne sont simplement pas en mesure d’injecter autant d’argent dans l’économie locale, ce qui fait en sorte que les petites entreprises souffrent aussi.
L’Alliance de la fonction publique du Canada a demandé au gouvernement d’augmenter le nombre de conseillers à la paye, mais avant tout, d’affecter des conseillers à la paye dans les ministères et organismes où les membres travaillent.
Il nous faut davantage de conseillers en rémunération, non seulement à Miramichi ou dans les bureaux satellites, mais nous devons aussi les retourner dans les ministères et les organismes, de sorte qu’ils puissent régler des cas particuliers », a affirmé le vice‑président exécutif national de l’AFPC, Chris Aylward.
La question de la formation a aussi été soulevée. À l’audience de mardi du Comité, à laquelle participaient les hauts dirigeants du SCT et de SPAC, les sénateurs ont appris que seulement 40 % des fonctionnaires avaient suivi la formation sur le système Phénix. Les syndicats prétendent que cette formation aurait dû être obligatoire et proposée des années plus tôt.
L’IPFPC, qui représente entre autres les professionnels de la TI du gouvernement, a recommandé que le gouvernement consulte ses membres pour mettre au point son propre système de paye. L’Institut appelle publiquement le gouvernement à se débarrasser du système de paye Phénix chancelant.
L’ACEP a souligné que toutes les options doivent rester sur la table, y compris la proposition de l’institut.
Est ce que c’est au moins raisonnable d’y jeter un coup d’œil et d’estimer les délais de création d’un nouveau système? a demandé M. Phillips. Il faut du moins faire une enquête et procéder à partir de cela. »
Les sénateurs se sont montrés très réceptifs aux recommandations des syndicats, et songent à visiter le centre de paye de Miramichi afin de s’entretenir avec les hommes et les femmes qui sont à l’avant-scène de la débâcle du système Phénix.
Enfin, l’ACEP a aussi pris le temps de saluer le professionnalisme et l’engagement extraordinaires de nos membres pendant cette épreuve. C’est ce niveau d’engagement qui a permis au gouvernement de fonctionner, plutôt que de s’enliser dans une crise nationale, a dit M. Phillips.
Tout au long de cette saga, les fonctionnaires ont fait preuve de loyauté; même s’ils n’étaient pas payés correctement, ils ont continué de se présenter au travail et de dispenser aux Canadiens des services de premier ordre. Or, ils demandent à leurs dirigeants d’afficher le même degré de détermination et d’engagement – de traiter ce problème avec l’urgence et le sérieux qu’il mérite. »
Le texte complet de la déclaration préliminaire du président est publié ici (PDF). Pour écouter un enregistrement de l'audition, cliquez ici.