Mois du patrimoine juif 2023

Entrevue avec le Réseau des fonctionnaires juifs et juives

  1. Quel est le thème du Mois du patrimoine juif de cette année et que représente-t-il?

Nous n’avons pas de thème à proprement parler, mais je peux vous présenter un bref historique du Mois du patrimoine juif canadien.

Institué en 2018 et célébré tous les mois de mai, le Mois du patrimoine juif canadien est l’occasion de se souvenir du rôle inspirant que les personnes juives au Canada ont joué et continuent de jouer dans les collectivités partout au Canada, de le célébrer et d’en transmettre l’importance aux générations à venir.

Certaines personnes ne sont peut-être pas conscientes des expériences vécues par les personnes juives au Canada tout au long de l’histoire, notamment les lois restrictives du Canada en matière d’immigration pendant la Seconde Guerre mondiale et l’Holocauste, la contribution des personnes juives à la vie canadienne et, récemment, la création du poste d’envoyé·e spécial·e pour la préservation de la mémoire de l’Holocauste et la lutte contre l’antisémitisme.

  1. Quel est l’objectif du Réseau des fonctionnaires juifs et juives (RFJ) et quand le réseau a-t-il été fondé?

Le Réseau a été fondé en 2021, avec pour mandat de « mettre en contact les fonctionnaires juifs à travers le gouvernement du Canada, d’offrir un forum pour discuter des questions ayant une incidence sur les fonctionnaires juifs, y compris la lutte contre l’antisémitisme et l’éducation sur l’antisémitisme, et de collaborer avec d’autres groupes pour atteindre un objectif commun d’une fonction publique fédérale véritablement inclusive. »

  1. Quels sont les principaux problèmes auxquels sont confrontées les personnes juives travaillant dans le secteur public?

L’identité juive est complexe et intersectionnelle. Elle englobe l’ethnicité, la religion et la culture, et se manifeste de façons aussi différentes que le nombre de membres de notre communauté.

Lorsque nous avons fondé le RFJ, nous avions la ferme conviction que, pour promouvoir l’intégration de personnes juives dans la fonction publique et lutter contre la montée de l’antisémitisme dans notre société, il fallait déployer davantage d’efforts en vue de conscientiser et de sensibiliser la fonction publique à l’identité juive.

Le grand défi pour le RFJ a été d’être inclus dans les projets de formation à la lutte contre le racisme au sein du gouvernement. Bien que certains cours soient obligatoires, aucune mention n’est faite de l’antisémitisme, alors que nous sommes parmi les groupes religieux les plus visés par les crimes haineux au Canada. Quoi qu’il en soit, le RFJ vient en aide aux membres qui sont victimes d’antisémitisme dans le cadre de leur travail ou de leur lieu de travail.

Les membres ont également fait remarquer qu’il n’y a pas de calendrier commun qui permettait d’éviter les réunions pendant les grandes fêtes juives telles que Rosh Hashanah et Yom Kippur. En outre, un certain nombre de nos membres souhaitent déclarer leur appartenance à un groupe minoritaire dans divers sondages, mais il n’y a pas de place pour nous dans les formulaires de déclaration volontaire et les sondages.

  1. La nomination d’un envoyé spécial pour la préservation de la mémoire de l’Holocauste et la lutte contre l’antisémitisme a-t-elle aidé les fonctionnaires juifs et juives en quoi que ce soit?

Nous travaillons en étroite collaboration avec l’envoyé spécial sur divers programmes pour les membres tout au long de l’année. La nomination de l’envoyé spécial indique aux ministères que l’antisémitisme doit être pris au sérieux.

  1. Quelles initiatives le RFJ a-t-il entreprises ou recensées pour répondre aux préoccupations de ses membres et quels sont les objectifs spécifiques qu’il s’efforce d’atteindre et les événements qu’il prévoit organiser dans l’année à venir?

Le RFJ a fait part de ses commentaires concernant l’examen de l’équité en matière d’emploi qui est en cours depuis l’année dernière et a participé à cet examen. Nous avons également participé activement aux consultations sur l’élaboration d’une nouvelle version du questionnaire de déclaration volontaire par le Conseil du Trésor. Nous avons fait part de nos commentaires concernant l’examen par la Commission de la fonction publique de la politique de nomination et de l’instrument de délégation et de responsabilisation en matière de nomination, en proposant notamment de mettre en place un calendrier dans lequel les diverses étapes des concours (entrevues, examens écrits, etc.) n’ont pas lieu pendant les principales fêtes juives (ou autres fêtes religieuses).

Le RFJ a écrit aux sous-ministres de Patrimoine canadien pour leur faire part de ses préoccupations concernant l’accord de contribution entre le Community Media Advocacy Centre et Laith Marouf. Nous avons obtenu une réunion de suivi où des excuses nous ont été présentées ainsi que de l’information sur les mesures de suivi prises par le ministère.

Nous travaillons chaque année à l’organisation d’événements, notamment dans le cadre du Mois du patrimoine juif canadien. Tout au long de l’année, nous faisons des présentations aux ministères qui demandent à en savoir plus sur RFJ et l’antisémitisme. Nous travaillons actuellement à l’élaboration de guides à l’intention des gestionnaires et des personnes juives.

  1. Quel rôle pensez-vous que les syndicats fédéraux du secteur public, comme l’ACEP, peuvent jouer pour mieux soutenir les fonctionnaires juifs et juives?

Tout d’abord, nous vous sommes extrêmement reconnaissants d’avoir pris le temps de nous connaître et de connaître nos préoccupations.

La communauté juive joue depuis longtemps un rôle central dans les luttes syndicales et dans la lutte contre la discrimination au Canada. En 1947, le Comité ouvrier juif a réussi à faire adopter la première résolution anti-discrimination de l’histoire du Congrès canadien du travail. La résolution exigeait une « action vigoureuse » dans « la lutte pour l’égalité totale pour tous les peuples, sans distinction de race, de couleur, de croyance ou de nationalité ».

Nous avons appris que certains syndicats fédéraux ne célébreront pas le Mois du patrimoine juif canadien ou n’en feront pas la promotion, bien qu’il soit reconnu à l’échelle nationale dans une loi (la Loi sur le Mois du patrimoine juif canadien [justice.gc.ca]). En outre, certains syndicats font des déclarations malhabiles sur les affaires internationales qui ne sont pas liées au milieu de travail canadien. En passant sous silence nos préoccupations ou en ne reconnaissant pas notre culture et notre identité, les syndicats, involontairement ou non, contribuent à créer un milieu de travail où les personnes ne se sentent pas en sécurité pour se déclarer ouvertement juives.

Ils nous laissent entendre indirectement que l’antisémitisme n’est pas un problème qui mérite d’être traité ou pris au sérieux, et que les personnes juives méritaient peut-être leur sort.

  1. Avez-vous d’autres observations ou un message que vous aimeriez transmettre aux membres de l’ACEP?

Historiquement, le traitement réservé aux personnes juives est un critère déterminant pour connaître le degré de haine qu’une société est prête à tolérer. Une société où le bien-être d’un groupe est compromis n’est pas une société libre et juste pour qui que ce soit. C’est pourquoi nous demandons instamment aux syndicats de nous soutenir comme ils le feraient pour tout autre groupe marginalisé et de nous permettre de faire partie de la discussion. Les manifestations de l’antisémitisme peuvent être tellement ancrées dans les croyances des gens que ces croyances semblent normatives. Nous avons beaucoup à apporter à cette conversation et nous pensons que nous pouvons apporter un appui de taille à la création d’une société multiculturelle saine.
 

Nous vous invitons à consulter ces excellentes ressources sur le Mois du patrimoine juif canadien :