Cette lettre ouverte au gouvernement rédigée par l’ACEP et l’IPFPC a d’abord été publiée dans l’Ottawa Citizen en anglais et Le Droit en français. Pour en savoir plus concernant le retour sur les lieux de travail, consultez la page consacrée aux enjeux.
Toute politique de retour sur les lieux de travail doit « prendre en considération la nature du travail de chaque ministère et des services qu’il fournit à la population canadienne ». C’est ce qu’affirme la présidente du Conseil du Trésor, Mona Fortier, et nous l’exhortons à être conséquente. Non seulement à un moment où la triple menace que constituent la grippe, la COVID‑19 et le virus respiratoire syncytial cause un engorgement des urgences d’un bout à l’autre du pays, mais aussi dans un contexte où le moral de l’effectif n’a jamais été aussi bas compte tenu de l’adoption de cette politique et des problèmes inacceptables de rémunération liés au système Phénix, qui perdurent depuis sept ans.
Comme représentants de deux des plus grands syndicats regroupant plus de 90 000 fonctionnaires du secteur public fédéral, nous demandons au gouvernement fédéral de mettre un terme à la directive générale concernant le retour sur les lieux de travail et de tenir sa promesse : élaborer un plan fondé sur une formule de travail hybride qui tient compte de la situation particulière des fonctionnaires et des exigences de travail.
Bien que nous soyons favorables à l’idée d’une « présence motivée » sur place lorsque les besoins opérationnels le justifient, nous nous opposons fermement à une politique universelle qui n’est appuyée par aucune donnée probante, qui met en danger la santé et la sécurité de nos membres et qui va à l’encontre des propres objectifs stratégiques du gouvernement. Cette politique n’est pas dictée par des besoins opérationnels, mais par des motivations politiques qui ne tiennent pas compte des intérêts du personnel.
Nous croyons que la mise en œuvre de cette politique sera semée d’embûches.
Tout d’abord, elle créera un casse-tête sur le plan logistique pour les administrateurs des ministères qui ne sont pas prêts à recevoir tous les fonctionnaires sur place, et pour les gestionnaires qui devront faire face à une avalanche de plaintes en matière de santé et de sécurité et de demandes de mesures d’adaptation à la suite d’un retour précipité et mal planifié.
À partir du 16 janvier, des milliers de gestionnaires et de personnes dans des rôles de supervision devront assumer le fardeau inutile que représente l’application de la politique, et beaucoup plus de fonctionnaires devront se démener pour réorganiser leur vie une fois de plus. La transition sera inutilement coûteuse pour toutes les personnes concernées, notamment les contribuables du Canada.
La qualité des services du gouvernement fédéral sur lesquels compte la population canadienne sera inévitablement compromise.
Depuis le passage au télétravail dès le début de la pandémie, un grand nombre de fonctionnaires du secteur public fédéral ont travaillé d’arrache-pied pour s’adapter à leur nouvel environnement de travail, tout en parvenant à maintenir la collaboration et le niveau de productivité à leur maximum.
Des dizaines de milliers de fonctionnaires ont fait des heures supplémentaires pendant des mois, depuis leur domicile, faisant face aux difficultés pour fournir de nouveaux services à une vitesse record et aider les Canadiennes et les Canadiens aux prises avec les conséquences catastrophiques de la pandémie.
De plus, nous ne voyons pas l’intérêt d’envoyer du personnel sur place lorsque bon nombre des bureaux ont été fermés, ont vu leurs tailles réduites ou sont en voie de rénovation. De nombreux ministères et organismes fédéraux ont déjà réaménagé leurs locaux pour réduire leur capacité et leur empreinte carbone. Y aura-t-il suffisamment de postes de travail pour tout le personnel sur place?
Certains bureaux du gouvernement sont encore aux prises avec des problèmes qui datent d’avant la pandémie, comme les chauves-souris, les punaises de lit, l’amiante et autres. Des fonctionnaires ont affirmé avoir été forcés de se présenter sur place et avoir dû travailler à même le sol, dans des salles à manger ou à des postes de travail mal équipés.
Il n’y a aucune indication claire de la manière dont les divers besoins en matière d’adaptation, sans oublier les problèmes de santé et de sécurité, seront gérés. Ce qui est clair, c’est que rien ne justifie de renvoyer les fonctionnaires dans ces conditions alors que de meilleures options sont facilement envisageables.
Enfin, une approche plus souple du télétravail et du travail hybride offrirait au gouvernement une rare occasion d’atteindre d’autres objectifs, notamment la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la conversion d’immeubles de bureaux en logements abordables, dont le besoin se fait cruellement sentir, la souplesse pour les fonctionnaires qui doivent assurer des soins à domicile, la croissance économique dans les régions éloignées grâce à l’expansion de la fonction publique en dehors de la région de la capitale nationale, le recrutement et le maintien en poste des meilleurs éléments et la réduction importante des dépenses de fonctionnement.
Le plan n’a aucun sens du point de vue de la logistique, de la santé et de la sécurité, de la productivité, et il va également à l’encontre des objectifs mêmes du gouvernement. Or, le gouvernement a l’occasion de créer un milieu de travail plus moderne et plus équitable; un milieu de travail qui permet au secteur public canadien de devenir un employeur de choix.
Nous exhortons le gouvernement fédéral à reconsidérer sa position et à engager un dialogue constructif avec le personnel et les syndicats, pour concevoir un plan de retour sur les lieux de travail meilleur, plus sûr et plus raisonnable.