Le texte qui suit est une traduction d’un article paru dans le Hill Times le 20 mars (anglais seulment).
Un incident en est un de trop
Par Greg Phillips
Certaines personnes ont, malheureusement, déjà participé à une réunion en ligne où le son était si strident qu’il causait une douleur insupportable aux oreilles. Pour les interprètes du gouvernement fédéral qui assurent des services d’interprétation lors des réunions du Parlement en format hybride, ces incidents surviennent beaucoup trop souvent. Au cours des trois dernières années, un nombre record de blessures liées à ces incidents ont été signalées.
L’employeur de ces interprètes, le gouvernement fédéral, a laissé cette situation durer trop longtemps.
Ces incidents, connus sous le nom de « chocs acoustiques », causent des symptômes semblables à ceux d’une commotion cérébrale et, selon leur gravité, ils peuvent entraîner des conséquences à long terme, notamment une perte de l’ouïe permanente. L’automne dernier, un incident survenu pendant l’interprétation a été suffisamment grave pour que l’un des interprètes pigistes doive être transporté à l’hôpital en ambulance.
Comment cette situation a-t-elle pu se produire? Les directives en place pour prévenir ces blessures ne sont pas systématiquement suivies.
Des blessures constantes depuis trois ans
Depuis que les réunions ont lieu en ligne ou en format hybride en raison de la pandémie, le travail des interprètes est rendu difficile par des problèmes techniques, le manque de respect des normes techniques de la part des personnes qui y participent et le peu d’améliorations apportées, ce qui a causé aux interprètes de nombreuses blessures au travail.
Le prix à payer pour cette situation est considérablement élevé. En effet, depuis 2020, les problèmes d’audition ont conduit 33 des 70 interprètes du gouvernement à prendre 349 jours de maladie pour soigner les blessures subies au travail. Au cours d’un mois donné, une dizaine d’interprètes sont réaffecté·e·s à d’autres tâches sur ordonnance du médecin.
Au cours de leur carrière, la plupart des fonctionnaires du gouvernement fédéral ne remplissent aucun rapport d’incident ni ne signalent d’accident de travail. La situation n’a rien de normal.
En conséquence, des interprètes ont choisi d’abandonner leur profession, plutôt que de risquer de subir de nouvelles blessures.
Conséquences pour les langues officielles
Les interprètes sont des spécialistes difficiles à remplacer. Les congés de maladie, la réduction de leurs heures de travail, leur réaffectation à d'autres tâches ou l'abandon de leur profession entraînent une pénurie d'interprètes qualifiés qui a une incidence directe sur les délibérations.
Il y a deux semaines, des interruptions de service causées par des problèmes techniques de son ont entraîné le report d’une réunion où des représentants de Google devaient témoigner. D’autres réunions de comités ont été retardées le temps que les techniciens évaluent les problèmes de mauvaise qualité du son signalés par l’interprète lors des tests préalables à la réunion. Bien qu’il s'agisse d’une bonne mesure pour protéger la santé et la sécurité des interprètes, elle a une incidence sur les travaux parlementaires. Une solution permanente doit encore être trouvée.
Si la santé et la sécurité des interprètes ne suffisent pas à convaincre les responsables qu’il faut absolument régler ce problème, l’interruption des travaux parlementaires devrait les faire réagir.
Plaidoyer en faveur d’un effort collectif
Pendant des années, le gouvernement a préféré refiler ce dossier épineux à divers services et individus, malgré les avertissements répétés, les rapports, les réunions et les demandes pour la mise en œuvre d’un éventail de recommandations.
Le 1er février, à la suite d’une plainte officielle déposée un an plus tôt, le Programme du travail d’Emploi et Développement social Canada, a rendu une décision en faveur des interprètes dans laquelle il reconnaît que l’employeur a manqué à son obligation de protéger le personnel contre les risques pour la santé et la sécurité.
Il ne s’agit que d’une mince avancée, car la décision ne tient pas compte des lacunes du système audiovisuel du Parlement, dont dépendent les interprètes. Selon le rapport d’octobre 2021 du Conseil national de recherches du Canada sur la qualité sonore, celle-ci n’est ni conforme aux normes ni sûre.
Si le Bureau de la traduction s’est engagé à mettre en œuvre les mesures recommandées et à faire preuve d’une plus grande vigilance pour protéger la santé et la sécurité de ses interprètes, il est impératif que les personnes participant aux réunions fassent également leur part.
Le respect de ces directives est la première étape. Cependant, les parlementaires peuvent également user de leur pouvoir pour soutenir l’allocation de ressources financières de sorte que l’équipement audiovisuel du Parlement ne présente plus de danger pour la santé.
Une lueur d’espoir
Depuis l’entrée en poste de la ministre Jaczek à titre de responsable de Services publics et Approvisionnement Canada, qui chapeaute le Bureau de la traduction, nous avons constaté certains progrès. Cependant, la confiance doit être rétablie entre les interprètes et le Bureau de la traduction, qui doit respecter son engagement à garantir la santé et la sécurité de son personnel.
Un incident en est un de trop.
Pour en savoir plus, veuillez consulter notre page web.