Ce texte a été publié en anglais dans l’Ottawa Citizen le 17 août 2024. En voici la traduction.
En effet, le manque de sincérité du maire d’Ottawa, Mark Sutcliffe, qui continue de mettre la responsabilité des difficultés financières d’OC Transpo sur le dos des employées et des employés du secteur public fédéral, est difficile à avaler. Les employé·es du secteur public – et beaucoup de résidentes et de résidents – ont repris le volant parce que le réseau de transport en commun n’est plus fiable.
Au lieu de voir dans cette situation un moment décisif pour régler concrètement la cause fondamentale des problèmes du transport en commun à Ottawa, le maire semble vouloir ignorer les racines de cette crise et continuer de conduire à sa perte ce service essentiel. Ou peut-être qu’il ne comprend pas vraiment les enjeux.
Nous allons donc apporter quelques clarifications.
OC Transpo est en difficulté parce que le service est mauvais et peu fiable, qu’il coûte très cher, que des années de réductions budgétaires et de financement insuffisant l’ont rendu trop peu pratique et inabordable pour la plupart des gens qui veulent l’utiliser, et que notre principal investissement dans les transports en commun – le train léger sur rail (SLR) – a été l’un des plus gros gâchis de l’histoire canadienne en matière de partenariat public-privé.
Où en est maintenant la fiabilité du service? Au cours du premier semestre de 2023, le train de la ligne Confédération a été hors service pendant 23 jours. Par comparaison, le mois dernier, le SLR a été mis hors service pendant deux semaines pour ce que la ville a appelé un « entretien normal ». Nulle part ailleurs au monde une ville ne met hors service l’élément clé de son réseau de transport pour une période prolongée. Vu les réductions de service en cours – y compris une réduction prévue de 74 000 heures qui entrera en vigueur au lancement de la prochaine phase du SLR – compter sur les transports en commun pour se rendre du point A au point B n’est plus une solution pratique pour une bonne partie des gens d’Ottawa.
Il est encore plus faux de croire que le réseau de transport en commun d’Ottawa a été conçu pour servir les employé·es du gouvernement fédéral. La région de la capitale nationale est habitée par près de 1,5 million de personnes. Le nombre d’employé·es du secteur public fédéral dans la région est légèrement supérieur à 130 000. Que l’administration d’Ottawa continue d’exploiter un service essentiel conçu pour répondre aux besoins de moins de 10 % de la population de la région, c’est à la fois manquer de discernement et faire preuve de discrimination et d’un manque stupéfiant de vision.
Dans sa récente pétition ridicule adressée à Justin Trudeau et à Doug Ford, le maire Sutcliffe laisse entendre que le télétravail des employé·es du secteur public fédéral est l’une des principales causes des problèmes économiques et de transport d’Ottawa. Le télétravail et les modalités de travail flexibles sont là pour de bon. Les fonctionnaires de l’Australie et de la Colombie-Britannique en bénéficient déjà, et le Canada doit rattraper son retard. C’était la direction que prenait le travail de bureau avant la pandémie, et il est devenu évident que ce sera le modèle pour l’avenir, même si le Conseil du Trésor fait preuve d’un manque de vision tout aussi alarmant en s’obstinant à forcer les gens à retourner travailler dans des bureaux décrépits sans aucune raison claire.
Compte tenu de l’importante empreinte fédérale dans notre ville, nos dirigeantes et dirigeants devraient exiger que le gouvernement travaille immédiatement en partenariat avec la ville pour reconvertir ses bureaux à de meilleures fins – logements abordables, nouveaux centres de garde d’enfants et meilleurs espaces publics – au lieu de maintenir un statu quo poussiéreux qui a fait d’Ottawa « la ville que le plaisir a oubliée ». La situation actuelle devrait inspirer la reconstruction de notre centre-ville en un centre dynamique et prospère, un centre pensé pour sur ses résident·es, plutôt que pour des fonctionnaires mécontent·es d’être obligé·es de se déplacer et censé·es s’acheter des repas et des boissons à l’heure de l’apéro pour perpétuer une vision incroyablement stérile de l’économie du centre-ville d’Ottawa. Cela implique qu’il nous faut un réseau de transport en commun reconnu comme un élément essentiel de notre infrastructure et conçu pour servir bien plus que les employé·es du gouvernement fédéral.
Le maire a raison sur au moins un point : s’il est vrai qu’OC Transpo a désespérément besoin de plus de fonds, en réalité elle a besoin de bien plus encore. Elle a besoin d’investissements stratégiques et d’une vision qui garantiront que le réseau de transport en commun d’Ottawa répond aux besoins de l’ensemble de ses résident·es — et ne repose pas sur des hypothèses dépassées concernant les personnes qui l’utilisent et leurs déplacements.
Il semble que le maire Sutcliffe préfère blâmer les autres, proférer des menaces et marquer des points politiques sur le dos des travailleuses et des travailleurs fédéraux, plutôt que de saisir l’occasion de revitaliser le centre-ville et de remettre sur ses rails notre réseau de transport en commun pour en faire un service durable qui fonctionne pour tout le monde. Quand le maire nous proposera un véritable plan, les fonctionnaires seront là pour l’aider dans son projet.
Les fonctionnaires aspirent à un avenir meilleur et plus ambitieux pour Ottawa. Il est temps pour le maire d’en faire autant.
Nathan Prier
Président, Association canadienne des employés professionnels