Ce texte a été publié en anglais dans l’Ottawa Citizen le 19 septembre 2024. En voici la traduction.
En 2020, le secteur public fédéral a fait preuve de capacités d’adaptation et d’efficacité extraordinaires en adoptant massivement, du jour au lendemain, le télétravail. Cela a pris une minute, mais cela a fonctionné. Dans les années qui ont suivi, les fonctionnaires fédéraux ont remporté des victoires remarquables et réussi à mettre en œuvre de vastes programmes nationaux à un rythme record, afin de s’assurer que la population canadienne continue de recevoir l’aide dont elle a besoin.
Nous avons eu près de deux ans avant l’ordre initial de retourner au bureau pour voir quels types d’emplois se prêtent bien au télétravail, et lesquels nécessitent une présence en personne. Non seulement le télétravail a permis aux services essentiels de continuer à fonctionner sans interruption, mais il a également permis d’améliorer considérablement la satisfaction du personnel, qui est un élément clé de la productivité. Selon les données de Statistique Canada, la productivité augmente régulièrement depuis 2021. Par ailleurs, l’Alliance de la Fonction publique du Canada a eu accès, par le biais d’une demande d’accès à l’information, à des courriels internes émanant de fonctionnaires du Conseil du Trésor qui s’accordaient à dire qu’il n’y avait pas eu de baisse de la productivité.
Pourtant, malgré les innovations et les accomplissements, il semble que le gouvernement fédéral néglige de s’appuyer sur des données probantes pour prendre des décisions cruciales qui ont un impact considérable sur les finances publiques. Comment expliquer autrement que le gouvernement fasse fi des succès des cinq dernières années en ordonnant à des milliers de personnes qui ne sont pas en première ligne d’aller travailler dans des bureaux aujourd’hui plus mal équipés qu’avant la pandémie et complètement inadaptés aux besoins des travailleuses et travailleurs? Sans parler des problèmes de circulation causés par la présence inutile de milliers d’automobilistes de plus sur les routes.
Plus étrange encore, la présidente du Conseil du Trésor, Anita Anand, a annoncé qu’un nouveau groupe de travail allait étudier la productivité du secteur public, insinuant ainsi, dans une récente entrevue accordée au Ottawa Citizen, qu’elle était en déclin au même titre que la productivité du secteur privé. Nous devons nous demander pourquoi, Madame la Ministre, après avoir déjà pris la décision d’imposer la présence au bureau, vous effectuez maintenant les premières études de productivité qui auraient pu éclairer votre décision. Il est difficile d’imaginer que l’étude réalisée aujourd’hui donnera des résultats utiles, car aucune étude de référence n’a été effectuée lorsque les gens télétravaillaient à temps plein, et leur productivité à la maison comparée à celle au bureau ne sera même pas prise en compte.
Qu’est-ce qu’on peut raisonnablement attendre d’une étude sur la productivité du personnel qui ne tient pas compte du facteur le plus important : le télétravail comparé à la présence au bureau? Les fonctionnaires fédéraux affirment unanimement que la flexibilité du télétravail améliore leur productivité et que le travail dans un immeuble de bureaux la réduit. Et c’est d’autant plus vrai que les immeubles de bureaux fédéraux d’aujourd’hui ne répondent même pas aux normes les plus élémentaires.
La ministre Anand affirme qu’elle a l’intention de collaborer avec les syndicats dans le cadre de cette étude, mais ses antécédents suggèrent exactement le contraire. Après tout, si elle nous avait consultés avant d’annoncer unilatéralement cette directive, nous ne serions pas dans le pétrin dans lequel nous nous trouvons aujourd’hui.
Nous aimerions maintenant que la ministre revienne aux objectifs énoncés dans sa lettre de mandat, soit « renforcer et moderniser la fonction publique de façon à ce qu’elle soit adaptée au XXIe siècle [en proposant] un plan cohérent et coordonné concernant l’avenir du travail au sein de la fonction publique, ce qui comprend l’élaboration de modalités de travail souples et équitables. » Il serait certainement plus « productif » que le Conseil du Trésor et le Conseil privé se concentrent sur la façon de répondre aux besoins d’aujourd’hui et de demain.
Pour que le secteur public soit plus fort et plus moderne, la souplesse du télétravail est une nécessité. C’est la réalité du XXIe siècle, et les fonctionnaires fédéraux de tout le pays sont prêt·es à l’accepter.
Nathan Prier
Président, Association canadienne des employés professionnels